Portraits et Mentalités, Jean-Marc Foulquier (5/10)

Des citoyens sans étiquettes, d’ici ou d’ailleurs, pour mieux connaître les sociétés d’aujourd’hui. Par Sonia Johnson.

Un écrivain parisien passionné des femmes et de Venise, ou plutôt passionné des femmes dans le Venise historique, pour leur donner une voix et une empreinte dans le présent. A 64 ans, cet homme de plume gère depuis plus d’une décennie des sites sur l’Italie, ainsi qu’une association d’échanges culturels. Jean-Marc Foulquier a toujours souffert de voir les femmes mises à l’écart, et ce sentiment ne l’a pas quitté aujourd’hui. Dans ‘Portraits et Mentalités’, témoignage de l’auteur des ‘Femmes remarquables de Venise’ (Disponible chez Amazon, cherchez Jean-Marc Foulquier).

Femmes remarquables de Venise

Les femmes de Venise, exemples féministes dans la période du XVème au XXème siècle.

Dans mon livre, se trouvent rassemblés 37 courtes biographies de femmes remarquables.

Par exemple :

Moderata Fonte (1555-1592), une auteure féministe, dont le preux héros chevalier est une chevalière. Au 16e siècle ! Il fallait oser.

Cassandra Tarabotti (1604-1652), enfermée à 13 ans dans un couvent et qui écrivit des livres sulfureux sur l’enfer monacal et réclamait déjà l’accès à l’éducation pour les filles, l’accès à certain métiers (la médecine, la justice) et prônait l’indépendance financière des femmes. Pas mal vu, dés le 17e siècle.

Felicità Bevilacqua La Masa (1822-1899), à l’origine de l’actuel musée d’art moderne de Venise (1903), 50 ans avant le Guggenheim.

Giustina Renier Michiel (1755-1832), qui tint tête à Bonaparte maître de Venise, aida la culture et auteure elle-même.

Rosalba Carriera (1675-1757), peintre, qui sensibilisa à l’art du pastel, des peintres comme Watteau ou Quentin de la Tour à Paris.

Adela Levi della Vida (1822-1915), la première à comprendre l’importance de la petite enfance et à ouvrir des sortes de crèches ou écoles maternelles. Elle publia les premiers livres à destination des enfants.

Rosa PIazza (1845-1914) qui créa la première école laïque professionnelle pour jeunes filles (1893).

Venise

Femmes remarquables de Venise

Je porte ce livre depuis des années, lors de mes nombreuses visites à Venise. A l’occasion, je tombais sur un tableau de Giulia Lama ou Rosalba Carriera et ce fut le déclic pour chercher qui étaient ces inconnues.

L’écriture même a duré entre 6 et12 mois.

Le livre comprend aussi des itinéraires à Venise. Je les crois importants. Le sujet est très spécifique mais avec ces itinéraires, j’espère être lu par tous les amoureux de Venise qui n’auraient peut-être pas lu le livre et à qui j’aurais pu ainsi passer mon message.

La gloire de Giustina (Extrait du livre, Femmes remarquables de Venise)

En 1806, Napoléon alors empereur se rendit une nouvelle fois maître de Venise, au grand mécontentement des vénitiens et de Giustina Renier Michiel en particulier. Celle-ci était très admirative de la culture française. N’avait-elle pas écrit un livre sur Mme de Sévigné, qu’elle avait rencontré à Paris ? Il demanda à rencontrer Giustina.

Mais elle était aussi vénitienne et, comme tous les vénitiens, elle supportait mal l’invasion française et encore moins, Napoléon lui-même. On rapporte que lors d’une rencontre publique, l’Empereur lui aurait demandé :

– Qu’écrivez-vous en ce moment ?

– Je traduis une tragédie, répondit Giustina.

Tout imbu de sa culture française, qui dit tragédie dit Racine. Napoléon poursuivit donc :

– Racine, j’imagine ?

– Pardon, Majesté, répondit Giustina d’un ton un peu hautain, Shakespeare !

Cet échange un peu sec, en public, à haute voix, qui avait une nette tendance à dévaloriser la culture française au profit de l’Angleterre, le pays haï de Napoléon, le fâcha à un point tel qu’il partit sans dire au revoir. Mais l’histoire fit le tour de Venise, toute à la gloire déjà bien établie de Giustina.

Un travail de recherches

J’ai amassé des documents à longueur d’années, comme je pouvais, car il en existe relativement peu.

Les archives sont pleines de documents officiels mais dans le passé, ce sont les hommes qui héritaient, les hommes qui achetaient et vendaient, donc on trouve peu de traces de femmes. Je me suis appuyé alors sur des thèses d’étudiantes, en français ou en italien, mais plutôt sociologiques et globales. Des vieux livres aux mentions éparses que je récoltais pour reconstruire le puzzle.

Les biographies en elles-mêmes ne témoignent pas de grandes découvertes, je compte beaucoup sur leur lecture chronologique pour mettre en avant l’évolution de la condition féminine.

Un regard sur les femmes

Je suis féministe, mais parfois je me dis que je ne suis pas seulement féministe, mais plutôt humaniste, les femmes faisant partie de l’espèce humaine, il est donc naturel que leur sort me préoccupe.

D’ailleurs, dans mon livre, j’insiste souvent pour dire que la libération des femmes n’a pas été seulement une affaire de femmes, mais également d’hommes. Le féminisme ne devrait pas seulement être une affaire de femmes.

Les femmes dans la société ? Je verrai bien plus de femmes aux postes importants. Dans tous les domaines. Une parité réelle. On avance à cloche-pied avec la moitié du monde seulement. Comme je le note en exergue dans mon livre : essayons de marcher ensemble sur nos deux pieds, c’est sûr, nous avancerons plus facilement plus loin.

Mais nous vivons dans une société de rapport de forces, malgré l’apparence de la puissance du droit.

D’autres mondes possibles ?

Je ne suis pas amer, les éditeurs engagent des finances pour publier un livre, il est normal qu’ils choisissent librement ce qu’ils veulent.

Par contre, nous vivons dans un monde où l’économie domine tout, quitte à briser les individus. J’espère que d’autres mondes sont possibles.

 

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